On retrouve dans Connemara l'ambiance si particulière des romans précédents de Nicolas Mathieu et notamment de leurs enfants après eux pour lequel il avait obtenu le Prix Goncourt 2018.
C'est l'histoire de Christophe et d'Hélène, enfants de la Lorraine, qui ont grandi près de Nancy, fréquenté les mêmes endroits sans pour autant être amis et qui se rencontrent à la quarantaine alors que leurs vies personnelles tournent à l'échec.
L'auteur fait le portrait de ses personnages avec lucidité et tendresse. Le récit résonne de leurs souvenirs d'adolescence comme si les décisions et les choix pris à cet âge avaient impacté leurs existences d'adulte. La vie semble leur tendre une seconde chance. La relation qui se noue alors entre Hélène et Christophe leur apparaît comme une soupape de décompression. Leur histoire s'écrit dans les hôtels périphériques où leurs ébats amoureux et leurs discussions n'appartiennent qu'à eux.
Malgré ses échecs et en partie grâce à ceux-ci, le lecteur s'attache à Christophe, à l'adolescent qu'il a été. Nicolas Mathieu évoque avec talent des moments plein de tendresse notamment ceux passés avec son père ou son fils Gabriel. Des souvenirs plus anciens surgissent comme le moment de la naissance de ce dernier, son impuissance face à la douleur de de sa compagne et surtout son désarroi lorsqu'on lui a posé le petit dans les bras.
Quant à Hélène, qui a réussi à s'extraire de cette région grâce à ses études, son parcours nous plonge dans le monde sans pitié du conseil en entreprise, nous inonde de vocabulaire technique et fait le portrait d'une société sans chaleur ni respect. La jeune-femme est le prototype des transfuges de classe. Pourtant le sentiment de ne pas avoir complètement réussi à se fondre dans ce milieu social qu'elle a intégré par son mariage et son travail subsiste au fond d'elle. Elle a pourtant adopté le style de vie qui va de pair avec les fréquentations de cette classe et s'habille avec goût et élégance.
Nicolas Mathieu réussit un roman social où la tendresse transparaît dans ce milieu populaire, où malgré le niveau de vie, la famille et les amis sont de véritables valeurs. Le tableau qu'il fait de la Lorraine est universel et parle à chaque lecteur, évoquant l'adolescence dans les villes de province et les années 80. Il réussit pleinement les scènes d'amour évitant le côté ridicule de la romance sans virer dans le porno. Il excelle également à peindre l'adolescence, sachant donner à ses personnages le ton juste sans en faire des caricatures.
Quelques mots encore à propos du titre Connemara emprunté à cette chanson de Michel Sardou de 1981, qui réunit étudiants festifs des écoles de commerce et tourne aussi dans les mariages et les baptêmes, cette chanson est surtout le symbole d'une musique populaire. Elle a été longtemps un tube de fin de soirée et est devenue un hymne sur lequel les danseurs de n'importe quel milieu se lâchent sur la piste. Provocation? Désir de montrer qu'au final, la réussite sociale n'est qu'une vue de l'esprit?
© Mathieu Cugnot / Divergence pour "L'OBS". |
Connemara
de Nicolas Mathieu
Éditions Actes sud
2022