lundi 12 avril 2021

Torrentius

 Quand les enfants dorment les parents lisent...


 
  Johannes van der Beeck, dit Torrentius est   un peintre néerlandais. Dans le monde du     XVIIème qui prône la modération et la     décence, ce dernier détonne, affichant sans     vergogne son gout pour les femmes et la     bonne chère. Il était connu pour ses     natures     mortes bien qu’une seule ait été     conservée,     un tondo intitulé Nature             morte avec bride et    mors visible au             Rijksmuseum à     Amsterdam. Le reste de     son œuvre a été     détruite après un procès     le     déclarant     hérétique.

C’est l’histoire de ce peintre, libertin avant l’heure, arrêté et torturé dont les minutes de son procès livrent de véritables joutes oratoires au lecteur que raconte Colin Thibert.  L’homme s’y défend d’ailleurs avec brio répondant avec un fort à propos aux accusations et soulignant les contradictions des divers témoignages qui le chargent. Le roman, fort court au demeurant, s’attache à sa vie de son arrestation jusqu’à son décès.

Grâce à l’appui du roi d’Angleterre Charles Ier et de Brigby, l’émissaire personnel de ce dernier, chargé de l’approvisionner en œuvres d’art et notamment en gravures érotiques, domaine dans lequel Torrentius excelle, l’homme échappe à la prison et devient peintre du roi d’Angleterre mais c’est un homme brisé qui échoue à Londres et qui ne peindra plus si ce n’est quelques scènes érotiques.

Colin Thibert n’a pas la prétention de livrer une monographie de Johannes Van Der Beeck et comme il l’affirme : « N’étant ni érudit, ni poète, ni historien, j’ai longtemps estimé que je n’avais aucune légitimité à parler de Torrentius. Le temps a fini par balayer ces scrupules ; c’est en conteur que je me suis lance dans ce récit, empruntant aux uns et aux autres les bribes qui me convenaient, inventant le reste de toutes pièces. »

Son texte pourtant met en scène de nombreux personnages de la Hollande du XVIIème siècle, dont la littérature s’était déjà emparée ; qu’il s’agisse de Frans Hals, Rembrandt auquel Brigby attribue fugitivement  les estampes érotiques signées V.d.B. alors qu’elles sont l’œuvre de Torrentius, Cornelisz l’apothicaire, ami du peintre auquel Simon Leys consacre quelques pages lorsqu’il met en scène ce dernier dans le Naufrage du Batavia après que ce dernier ait fui Haarlem pour ne pas être arrêté après la fuite du peintre vers l’Angleterre.

Ce tableau unique qui subsiste de l’œuvre du peintre a donné le titre à un essai du polonais Zbigniew Herbert qui consacre une partie à ce dernier. Colin Thibert met en scène cette société du XVIIème siècle, qu’il s’agisse des anglais ou des néerlandais dans un style très contemporain, pointant les aberrations de l’histoire dans une mise en scène très rythmée et très vivante grâce à de nombreux dialogues.  

 

Portrait de Colin Thibert
© Philippe Matsas / Leextra
Ecrivain et scénariste pour la télévision, Colin Thibert est également auteur de romans policiers et de livres pour la jeunesse. Il vient de publier chez Héloïse d'Ormesson, Mon frère, ce zéro.
 

 

 

Torrentius

de Colin Thibert

Editions Héloise d'Ormesson (2019)

j'ai lu (2021)

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