Quand les enfants dorment, les parents lisent...
On dit souvent qu’au moment de mourir, on voit défiler toute sa vie. Gustave Flaubert, frappé d’une apoplexie foudroyante, dans le récit de Régis Jauffret, en fait l’expérience. Le roman met en scène les dernières heures de l'écrivain normand.
Personnages réels issus de ses souvenirs et créatures de fiction se bousculent autour de sa baignoire.
C'est Madame Bovary qui lui apparait la première. Elle le houspille, l'inonde de reproches, le harcèle.
Très vite le lecteur est prévenu par le narrateur : « je vous donne ici des phrases de mon cru dont le plus souvent vous ne trouverez trace ni dans mes œuvres ni dans ma correspondance ni d’une façon générale dans aucune archive. Deux siècles après sa naissance un auteur doit se renouveler. »
Effectivement, Régis Jauffret s’amuse avec
son lecteur ; il joue à écrire du Flaubert ; il imite si bien son style
qu’il faut s’y reprendre à deux fois avant d’identifier ce qui relève de
l’imaginaire et de démêler les scènes issus de romans, de
correspondances ou de textes de ses contemporains car bien que de
nombreuses lettres aient été détruites ou perdues, il reste quand même
une grande documentation concernant la vie de l’auteur ainsi que de
nombreux brouillons et notes.
Il évoque avec tendresse l’amour
que portait l’écrivain à sa mère, son désespoir au décès de sa sœur
Caroline, son affection pour sa nièce que sa mère élèvera à Croisset ,
son amitié avec Alfred Le Poittevin, celle qui
le lia au poète Louis Bouillhet et sa première et seule passion pour
Elisa Schlésinger à Trouville.
C’est aussi une promenade dans la
ville de Rouen à laquelle nous convie le narrateur, dans cette ville de
Normandie où Flaubert est né, a grandi et où on peut encore visiter
l'Hôtel- Dieu, hôpital où son père exerçait et où il vécut ses premières
années.
Cependant, Régis Jauffret ne
s’efface pas totalement ; il se met en scène tel un personnage de
l’auteur : « vivement que la mort oblige Régis Jauffret à porter le
solide niqab de bois verni qu’on appelle un cercueil. »
Quant au chutier, dans lequel se succèdent des scènes réinventées de la vie de l’écrivain, il apparait
comme une suite de rushes qui n’auraient pas trouvé leur place dans
le scénario du "dernier bain de Gustave Flaubert", et donne avant tout,
l’envie d’aller relire les textes et la correspondance de l’auteur.
Ecrivain français né en Marseille en 1955, Régis Jauffret, après des études de philosophie, écrit de nombreux romans notamment des Microfictions, textes très courts et très noirs. En 2020, il publie Papa, un texte aux accents biographiques et en 2021, l'année du bicentenaire de la naissance de Gustave Flaubert, la biofiction surprenante de ce dernier. © Maxppp / Le Parisien
Le dernier bain de Gustave Flaubert
de Régis Jauffret
Éditions du Seuil
2021
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