Une traversée de l'Iran
Quand les enfants dorment, les parents lisent. ..
Le dernier récit de François-Henry Désérable s’inscrit dans les pas de Nicolas Bouvier, auteur de l’Usage du Monde, texte emblématique du récit de voyage du XXème siècle. L’écrivain français décide de partir sur les traces du voyageur suisse et de son compagnon Thierry Vernet dont les dessins illustrent le récit du voyage qu’ils ont effectué en 1963. Son périple sera bien plus court et se déroulera dans un Iran qui a beaucoup changé. Il sera sommé en effet de quitter le territoire par les autorités sous peine d’être arrêté.
Le récit de ses rencontres et de ses aventures
quotidiennes donne un portrait effrayant du pays. A chaque page, on ressent la
peur qui accompagne les citoyens jour après jour. Lorsque l’auteur arrive à Téhéran,
la ville est encore en proie à des manifestations suite à la mort de Mahsa
Amini, jeune-fille décédée des coups reçus suite à son arrestation par la
police iranienne.
©François-Henri Désérable |
C’est néanmoins avec un certain humour que l’auteur nous
fait le portrait des personnages qu’il croise au fil de ses pérégrinations, que
ce soit Sheya, « la jeune -fille à l’hidjab indocile » avec laquelle ses premiers échanges prêtent à confusion,
Habib l’afghan, qui n’ose pas avouer qu’il
attend un visa pour l’Australie et déclare partir à Berlin sans oser refuser les leçons d’allemand que
lui donne Dhananjay, un ingénieur indien ou Aluk qui pratique le Sigeh, mariage temporaire accordé par un mollah, fait d’autant plus pratique qu’il
est en est lui-même un.
Si l’auteur souligne les arrangements des uns et des autres en Iran, il fait également le portrait d’un peuple déterminé à renverser le régime. C’est au sommet du Mont Soffeh, qu’il rencontre Firouzeh montée tourner une vidéo dans laquelle elle crie « Femme, Vie, liberté » pour la partager sur Instagram. Pourtant lui avoue-t-elle, elle vit dans la peur d’être arrêtée et mise en prison. La jeune-fille lui confie apprendre des poèmes par cœur dans l'éventualité.
Nifoolar, quant à elle, lui fait découvrir l’écho merveilleux de Téhéran » où le « Mort au dictateur » qu’elle crie dans la rue se répercute au loin grâce à ceux qui reprennent son slogan. Sur la place Enghelab, il lui offrira les Misérables de Victor Hugo, ce roman que Moussa, un des personnages que fréquente Bouvier à Tabriz relit indéfiniment en traduction persane s’enflammant « de chimères héroïques et de passions égalitaires. »
©François-Henri Désérable |
L'Usure d'un monde
Une traversée de l'Iran
de François-Henri Désérable
Éditions Gallimard
2023
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire