Quand les parents dorment, les enfants lisent
Le dernier texte d'Annie Ernaux nous ramène trente ans en
arrière ; cependant il s'inscrit parfaitement dans l'œuvre que l'autrice a
bâti depuis les armoires vides, premier roman de son œuvre
autobiographique. Le jeune homme s'insère tel un engrenage manquant
dans un système complexe qui montre la naissance du procédé d'écriture.
Ce récit d'une liaison ramène l'écrivain au temps de
ses études dans la ville où elle même les a faites trente ans plus
tôt. Cependant, face à cet amant encore étudiant, qui la confronte en
partie au temps qui passe, elle oublie qu'elle a dépassé la
cinquantaine et retrouve celle qu'elle était à son âge. Le milieu
social de ce dernier lui rappelle celui de ses propres origines ainsi
que des épisodes de cette époque.
La thématique sociale est toujours très présente chez
Annie Ernaux. En partageant des moments avec cet étudiant rouennais,
l'autrice mesure le chemin parcouru depuis ses études. Chez son amant
elle reconnaît des habitudes de sa famille et de son milieu social
d'origine, des "choses" qu'elle a désapprises en changeant de milieu.
Elle remarque ces comportements qui lui faisaient honte dans le passé mais
son regard sur lui n'a rien de péjoratif ni de méprisant. On retrouve
dans son texte ce style si particulier qu'elle a qualifié elle-même
d'"écriture plate".
Chez les gens qu'elles croisent dans la rue, au
restaurant, elle sent le regard des autres qui s'attarde sur leur
couple, qui s'interroge sur leur différence d'âge, leur relation.
La narratrice est devenu une observatrice. Elle
contemple cette femme de plus de cinquante ans, s'affranchir du regard
des autres, comme elle-même le fait, sans honte.
C'est un roman où se croisent le temps de l'écriture, le
temps du souvenir et celui du vécu. L'autrice procède par touches
successives, réunissant dans ce roman les différentes facettes
d'elle-même.
© Annie Ernaux dans la Grande Librairie chez François Busnel le 04/05/2022. |
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